Sharenting (contraction de sharing et parenting) : publication intempestive par les parents de photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux
Source :
La loi n°2024-120 du 19 février 2024 visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, publiée au Journal Officiel du même jour
Objectif :
Protéger la vie privée et l’image des enfants en modifiant le régime de l’autorité parentale et en renforçant les pouvoirs de la Justice et de la CNIL
Les origines de la loi :
On peut lire dans la proposition de loi : « On estime en moyenne qu’un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans, sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches. La publication sur les comptes des parents de contenus relatifs à leurs enfants, en anglais dénommée sharenting, constitue ainsi aujourd’hui l’un des principaux risques d’atteinte au droit à l’image des mineurs, pour deux raisons. D’une part, du fait de la difficulté à contrôler la diffusion de leur image, d’autant plus problématique dans le cas de mineurs. D’autre part, en raison d’un conflit d’intérêt susceptible de survenir dans la gestion du droit à l’image des enfants par leurs parents. »
Et encore : « 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux. Certaines images, notamment les photographies de bébés dénudés ou de jeunes filles en tenue de gymnastique intéressent tout particulièrement les cercles pédophiles ; le problème va donc bien au‑delà des contenus sexualisés mis en ligne par les parents ou par les enfants eux‑mêmes. Les informations diffusées sur le quotidien des enfants peuvent dans le pire des cas, qui plus est, permettre à des individus d’identifier leurs lieux et leurs habitudes de vie à des fins de prédation sexuelle. Enfin, au‑delà du risque pédophile, les contenus mis en ligne sont susceptibles de porter préjudice à l’enfant à long terme, sans possibilité pour lui d’en obtenir l’effacement absolu ».
L'intégration de nouvelles notions dans le code civil :
Les dispositions relatives à l’autorité parentale ont été modifiées pour y introduire de nouvelles notions.
– La consécration de la vie privée de l’enfant : l’autorité parentale régulait auparavant la sécurité, la santé et la moralité des enfants. A présent, il est également fait également référence à leur vie privée (article 371-1 alinéa 2 du code civil).
– Le droit à l’image de l’enfant soumis à la coparentalité : toutes les décisions relatives au droit à l’image de l’enfant doivent être prises en commun par les deux parents, dans le respect de la vie privée de l’enfant et en l’associant à cette prise de décision, selon son âge et sa maturité (article 372-1 du code civil).
Une nouvelle compétence accordée au Juge aux Affaires Familiales (JAF) :
La publication ou la diffusion de l’image de l’enfant sans l’accord de l’autre parent est interdite.
En cas de désaccord des parents sur cette question, le JAF se voit accorder une nouvelle compétence : interdire à un parent de diffuser tout contenu relatif aux enfants sans l’autorisation de l’autre parent.
L'extension des cas de délégation de l'autorité parentale :
La délégation de l’autorité parentale est déjà possible en cas de désintérêts manifeste d’un parent, d’impossibilité à exercer l’autorité parentale ou de crime commis sur l’autre parent.
S’ajoute à présent un nouveau cas de délégation de l’autorité parentale lorsque la diffusion de l’image de l’enfant par ses parents porte gravement atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale de celui-ci.
Cette délégation porterait, totalement ou partiellement, sur l’exercice du droit à l’image de l’enfant.
Le JAF peut être saisi par le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille à cette fin.
Renforcement du pouvoir de la CNIL :
En cas d’atteinte aux droits et libertés des mineurs, la CNIL dispose de deux moyens d’action :
- Prononcer un rappel à l’ordre et une limitation temporaire ou définitive du traitement des données personnelles concernées
- En cas d’atteinte graves et immédiates, demander en référé à la juridiction compétente, par le biais du Président de la CNIL, d’ordonner, sous astreinte au besoin, toute mesure nécessaire à la sauvegarde de ces droits et libertés
En conclusion :
Parents, soyez vigilants sur ce que vous publiez sur les réseaux concernant vos enfants.
Protégez-les des prédateurs sexuels et autres cercles pédopornographiques qui récupèrent avidement les informations de leurs enfants pour leurs actes.
Le droit à l’oubli sur les réseaux n’existe pas : vos enfants traineront toute leur vie les informations et formations que vous publiez sur eux, pensez aussi à leur futur professionnel !